Suppression du divorce faute

Au XIX siècle, après l’interdiction du divorce, la loi « Naquet » du 27 juillet 1884 a autorisé le divorce uniquement pour des « fautes graves ». L’idée sous-jacente était de pousser les protagonistes à renoncer à leur entreprise. Aujourd’hui, le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune (cf.art 242 du C.C.). Ces « fautes graves » n’ont pas d’effet direct ou déclaré sur les conséquences du divorce mais, au contraire, aggravent les conflits.

Dans cette procédure, alors qu’il n’y a que des désaccords de couple, le demandeur est obligé d’accuser l’autre des fautes les plus graves possibles afin d’une part de se séparer et, d’autre part, d’obtenir un « avantage » tel qu’il ne puisse se « relever » et se défendre. Comme dans l’affrontement entre deux combattants, le premier qui tire à l’avantage, les accusations sont donc souvent mensongères ou fondées sur des réputations. Pour l’autre parent, ces accusations sont ressenties comme des violences psychologiques et des trahisons morales. Les juges voient-ils que le parent-accusé est moralement « détruit » ?

Pour les défenseurs du mariage institutionnel, les fautes causes de divorce délimitent « en creux » les obligations du mariage. Pour eux la suppression du divorce faute ou divorce-sanction porterait atteinte à l’institution du mariage en éludant les obligations qui lui sont propres. Or, de nos jours, le divorce pour faute a souvent les mêmes effets que les autres divorces, notamment vis-à-vis de la garde des enfants et du versement de la pension alimentaire. En principe, les torts de l’époux vis-à-vis de son ancien conjoint n’ont pas d’effets sur ces éléments, sauf si, bien sûr le conjoint fautif a eu un comportement violent par exemple. Mais dans ce cas la procédure pénale, appliquée lorsque les parents ne sont pas mariés, est plus adaptée. Les sanctions du divorce faute sont inadaptées.

Certains juges défendraient-ils le divorce faute ? Un élément de réponse avait été apporté par le doyen Carbonnier quand il décrivait malicieusement les juges comme « peu disposés à abandonner ce contentieux qui les accable, mais qui leur confère le prestige d’une médiation et d’une police des familles ». En tout état de cause, la stigmatisation des désaccords par ce processus moralisateur est en grande partie responsable d’un important contentieux post-divorce qui encombre les tribunaux.

Ce débordement de haine atteint généralement les enfants. Au yeux des enfants, l’image des parents et la confiance en eux sont minées ; les deux parents ne pouvant plus s’accorder sur l’éducation de leurs enfants. Cette procédure empêche un minimum d’harmonie pour défendre « l’intérêt de l’enfant ». Dans ce contexte accusatoire, il devient impossible aux parents d’élaborer un « projet parental » serein pour leurs enfants qui sont les grands perdants.

Certains disent que les parents n’avaient qu’à s’entendre ! Mais, dans le cas du divorce-faute, ce sont les institutions qui créent ou au minimum aggravent le conflit. C’est la nature du divorce pour faute qui conduit les postulants, conseillés par leurs proches ou leur avocats, a trouver des motifs d’accusation de l’autre conjoint, pour « gagner ».

Par ailleurs, comment les justiciables, ne peuvent-ils pas considérer le système judiciaire comme une parodie quand ils doivent déclarer ou nier des fautes créer pour l’occasion ? La justice est disqualifiée par cette procédure. A cet égard, la France est le seul pays européen à maintenir la procédure de divorce-faute.

Enfin, le nombre de mariage ne cesse de diminuer d’environ 1 % par an, passant de 393000 mariages en 1970 à 223000 en 1970, avec les mariages mixtes. Le divorce faute n’arrête pas la diminution de cette institution. Au contraire, on peut penser que cette procédure puisse effrayer les éventuels postulants.

En conclusion, les désordres liés au divorce pour faute qui détruit le couple parental, étant largement supérieur à ses avantages symboliques, conduisent à demander sa suppression, pour le plus grand intérêt des enfants qui voient leurs parents se déchirer.

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