«Aujourd’hui, on s’obstine à prendre référence sur le modèle des années 50, comme si celui-ci avait encore cours. On se trompe» déclarait au Nouvel Observateur Irène THERY, sociologue au CNRS et au centre de recherche interdisciplinaire de Vaucresson. La législation ne peut continuer à utiliser des conceptions dépassées pour définir le cadre qui permettra l’épanouissement des enfants nés aujourd’hui, notamment à l’égard de la conception, de l’éducation et e la filiation.
La contraception, la possibilité d’adopter et d’avorter ont transformé l’accueil d’un nouvel enfant en un acte volontaire. Le slogan de 1971 affirmait : « un enfant si je veux, quand je veux ! ». La volonté des parents préexiste à l’acte de procréation ou celui d’adoption. Ainsi, la quasi totalité des pères non-mariés qui souhaitaient un enfant le reconnaisse à la naissance.
Gérard Neyrand, docteur en sociologie à l’Université de Toulouse, nous confirme ce que nous constatons tous : la famille contemporaine est centrée autour de l’enfant et non, autour du couple conjugal, comme d’antan. Il y a ou pas une famille selon la présence ou pas d’enfant. Néanmoins, la majorité des enfants qui naissent aujourd’hui ne seront pas élevés jusqu’à leur majorité, au sein de leur famille génétique. Ces enfants vont s’épanouir dans une parentèle qui ne sera pas fondée par le lien conjugal, mais par l’engagement des parents à les élever. Pour Jacques COMMAILLE, sociologue, « ce maintien du couple parental au-delà de la disparition du couple conjugal est réaliste car les stratégies différentielles à l’égard de l’enfant sont supposées préexister au divorce, de façon d’ailleurs analogue à ce qui se passe dans la plupart des unités familiales ». Le couple parental demeure autour de l’enfant, malgré la disparition du couple conjugal. La pérennité du couple parental préserve pour l’enfant :
– son accueil à sa naissance, parmi ses paires,
– l’aménagement de son environnement cognitif par les personnes les plus soucieuses de son intérêt,
– sa stabilité affective, indépendamment des aléas conjugaux.
L’enfant se trouve au centre d’une constellation d’intervenants qui concourent à son épanouissement : parents génétiques ou adoptifs, beaux-parents…
Concernant la filiation, celle-ci est juridique et la parentalité est relationnelle mais le droit ne peut imposer sa fiction juridique qu’à condition d’être effective et cohérente. A cet égard, les avancées biologiques conduisent à distinguer notamment les protagonistes de la fécondation de ceux de l’éducation. Certes le droit peut interférer mais les français peuvent trouver à l’étranger des réponses à leurs demandes de parentalité. La filiation doit donc suivre au mieux la volonté des parents depuis la genèse de l’enfant.
Le cadre juridique dans lequel s’épanouiront nos enfants, doit permettre :
– de préserver les liens de l’enfant, car comme l’affirment A.BAUDIER et B.CELESTE, psychologues, dans « Le développement affectif et social du jeune enfant « , quelle que soit l’orientation théorique des auteurs, il existe un consensus pour reconnaître que l’affectivité de l’enfant et la construction de sa personnalité se font grâce et par les interactions avec autrui,
– une cohérence des institutions relatives à l’enfant et une égalité de statut entre les parents et dans l’exercice de leurs responsabilités parentales, indépendamment du sexe, du statut matrimonial des parents et du mode de conception.
Le Projet Parental est le cadre juridique recherché car fondé sur des chartes d’engagements ou des accords synallagmatiques des protagonistes, dans le respect des mœurs et des lois locales. Ce cadre juridique est adapté aux nouvelles formes familiales car centré sur l’enfant. Il organise les rapports entre les protagonistes des différentes phases de la conception à l’éducation. Il permet par exemple, de prendre en compte les naissances dans le cadre de PMA (donneurs de gamètes / parents adoptants) , les séparations conjugales, le souhait des couples de même sexe d’élever des enfants etc.
Il fut un temps où il était normal de considérer les géniteurs comme des parents potentiels. Cela reste vrai jusqu’à un éventuel abandon d’autorité parentale potentielle ou de responsabilité parentale au profit d’autrui. Il en va de même quand des parents adoptent un enfant que d’autres parents ont abandonné. Cette succession chronologique d’intervenants est inscrite dans le Projet Parental et permet d’acter l’engagement des parents en faveur du bien être de l’enfant. Le mariage est une forme de Projet Parental. Mais, essentiellement centré sur le couple conjugal, le mariage se dissout en cas de séparation. Par contre, lors des séparations conjugales, les médiations familiales, elles, permettent d’élaborer des accords parentaux similaires pour chaque couple à un Projet Parental.
Aujourd’hui, où la majorité des nouveaux-nés sont issus de couples non-mariés, de même sexe ou non, il serait temps de contractualiser l’engagement des parents à assumer les responsabilité parentales nécessaires à l’égard de l’enfant notamment :
– la responsabilité conjointe et solidaire des deux parents
– l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants
Dans ce cadre, la filiation est confirmée par les transferts des droits parentaux. Cette fiction juridique, s’exerçant dans un cadre contractuel, pourra s’appuyer sur les engagements des parents putatifs.
Le contenu du Projet Parental, formé d’éventuelles dispositions particulières (ex : protocoles d’accord de médiations familiales) revêt la forme d’accords synallagmatiques. Dans cet espace privé et déjudiciarisé, les choix d’organisation des liens de solidarité entre parents et enfants s’expriment dans la liberté et la spécificité individuelle par les parents.