Levée de l’anonymat des parents génétiques

La France est l’un des rares pays à disposer d’une législation encadrant l’accouchement sous le secret et a prôner de fausses filiations paternelles lors d’une adoption plénière ou de PMA avec donneurs anonymes. Dans le même temps, le Tribunal de Grande Instance de Paris n’a pas hésité à autoriser des analyses post mortem pour infirmer une filiation génétique paternelle ! 

De fait, jusqu’à présent, la France a tout fait pour défendre une archétype de la famille autour des 2 parents uniques et de leurs enfants considérés « légitimes ». A cette fin, la loi crée de fausse identité et oblitère les obstacles à une image familiale conforme au modèle familial convenu, « bien sous tout rapport ». L’incertitude sur la paternité a eu pour conséquence première d’éliminer la connaissance du père puisque cela gênait la règle selon laquelle le père est le mari de la mère. Ainsi :

  • L’accouchement sous X supprime le fait même de l’acte de naissance, et rend la mère et le père anonymes. Maternité et  paternité ne sont connues que par des biais complexes. A priori, les enfants sont sans parents (environ 700 par an)
  • L’adoption plénière supprime les origines de l’enfant et conduit à une fausse carte d’identité (environ 4000 cas par an)
  • L’insémination artificielle ou la FIV, avec donneur anonyme, supprime l’origine génétique masculine et conduit à une fausse carte d’identité (70 000 personnes sont dans ce cas).

Le législateur a créé divers constructions juridiques pour justifier l’anonymat du parent génétique. Les notions de « don » et de « gratuité » infèrent un acte de générosité du donneur de gamètes. La peur de la marchandisation de cette démarche est agitée comme un chiffon rouge pour repousser d’autres solutions. De façon plus mercantiles, les CECOS rappellent le risque de manque de donneurs et, conséquemment, leurs difficultés économiques. Enfin, la loi interdit les tests génétiques sans l’accord du juge – contrairement à la plupart des autres pays occidentaux.

Cette défense d’une « famille modèle archétypale » a permis au droit d’éviter une réécriture des règles de filiation et de répondre au besoin de « confort » des demandeurs. Pour combien de temps ? Jusqu’au XX siècle, la fiction juridique s’est fondée sur des faits irréfragables : Mater semper certa est , Pater is est quem nuptiae demonstant (la mère est certaine et le père présumé). Mais, de même que les femmes ont pu contrôler la possibilité ou non de procréation, le développement des sciences rend possible d’accoucher d’un enfant sans en être la mère génétique d’une part, et d’être certain de la paternité génétique d’autre part.

Le droit doit donc se fonder sur ces nouvelles données. D’une part, l’article 7, de la Convention internationale relative au droits de l’enfant reconnaît à celui-ci, « le droit de connaître ses parents ». D’autre part, aujourd’hui, n’importe qui peut obtenir des tests génétiques à l’étranger, voire une PMA (même la filiation génétique des vaches que nous consommons est connue !). Par ailleurs, les sites de généalogie qui prennent en compte les tests génétiques prospèrent. Finalement, la loi de l’anonymat du père devient inefficiente. Surtout, on ne peut plus rester sourd aux demandes des enfants d’origine inconnue qui, devenus adultes, demandent réparation à L’État. Enfin, comment considérer comme moral ce qui est construit sur le mensonge.

L’intérêt de l’enfant est de connaître la vérité sur ses origines. La levée de l’anonymat permettra la construction individuelle de l’enfant et l’aidera éventuellement à prévenir des maladies génétiques. La filiation ne sera pas remise en cause, puisqu’elle s’appuie sur l’intention et la reconnaissance juridique (cf. Contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi bioéthique 2018-2019). La fiction juridique de la filiation ne peut s’imposer que si elle reste un minimum cohérente avec les réalités sociales. La meilleure solution est la reconnaissance d’un Projet Parental, qui organise la connaissance des parents génétiques, la filiation, et la responsabilité parentale nécessaire à l’éducation.

La connaissance des parents génétiques ne diminue pas l’amour des enfants pour leur parents adoptifs.

Notons que la définition du père comme étant le mari de la mère est rendu désuète par l’ouverture du mariage à des personnes du même sexe d’une part, et par le fait que la majorité des nouveaux-nés ont des parents non-mariés, d’autre part.

L’accouchement sous le secret, d’origine pétainiste, était considéré comme une garantie contre des accouchements clandestins, ou des abandons sauvages. Un accompagnement des mères doit permettre une solution cathartique et la connaissance de la filiation paternelle, loin d’entraver l’issue habituelle, peut apporter des solutions supplémentaires.Comme en Suède, il faut obliger et vérifier la consignation des identités du père, et au besoin effectuer les recherches. 

Dans les autres cas d’accouchement sous X, le droit de l’enfant a connaître ses origines paternelles doit être préféré à une situation de commodité.

Compte tenu des tests génétiques, l’anonymat des dons ne peut plus être garanti. L’exemple des pays nordiques a montré que la levée de l’anonymat entraînait une baisse de donneurs que temporairement. Les CECOS peuvent être rassurés, leur équilibre financier et donc leur existence  ne sera pas remis en cause.

Le Mouvement de la Condition Paternelle demande, comme le Comité Consultatif de bioéthique en septembre 2018, la fin générale de l’anonymat des parents génétiques ainsi que la liberté d’effectuer des tests génétiques en France. 

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